Rétrospectives films/vidéos

Rebecca Horn (D): biographie, filmographie — repères

«L'enfant de quatre ans est assise en tenue de soirée bleu azur, tout en haut, dans les branches d'un noyer, et observe secrètement les invités de la noce. Les invités dansent sur la musique que joue un violoniste vêtu d'un habit noir. La tête de l'homme au violon oscille au son de la musique sous le nid de la robe de l'enfant. Ses tendres mélodies traversent le corps de l'enfant et montent jusqu'à la tresse des étoiles. Toute la nuit, l'enfant se tient à l'arbre, tremblante, jusqu'à ce que le violoniste vienne la chercher dans les branches et la porte pieds-nus à travers les prés humides.» R.H. La Lune rebelle

Rebecca Horn est une artiste majeure de notre temps. Son oeuvre, considérable, s'est développée depuis le début des années 70 au travers de différentes expressions: la performance, les installations, les écrits, la sculpture et le cinéma. «J'étais fascinée par la possibilité qu'offre le cinéma de mettre en scène l'illusion totale sur un écran». Son engagement physique et psychique est total et elle n'a cessé de mettre en scène son rapport au monde et sa relation aux autres, avec autorité, sensualité, lucidité, invention, en supprimant les frontières entre le réel et l'imaginaire, pour créer un champ d'investigation plus vaste. Son parcours artistique est l'expression d'un voyage ininterrompu à l'intérieur d'elle même, sans concessions et sans limites: il suit de très près son expérience personnelle. «Le mystère de l'existence humaine n'apparaît nulle part plus clairement que dans ces instants où un homme et une femme se rencontrent et se possèdent mutuellement.» Elle expose inlassablement le corps, prolongé, habillé, voilé par des artifices qui sont autant de tentatives de mises à nu de l'âme.

Personnage fascinant, a la fois prêtresse, femme fatale et magicienne, elle invente un monde qui est le reflet transfiguré de la réalité, où la mythologie et l'histoire ont une place prépondérante. Elle crée des personnages hybrides d'hommes et d'animaux, utilise à répétition certains matériaux symboliques comme le mercure, les plumes, les oeufs d'autruche, l'électricité, les boîtes ou l'eau. Elle confère à l'art une dimension théâtrale, comme miroir de la vie. Ses installations sont des machines en mouvement, qui possèdent «presque des qualités humaines et doivent également évoluer. Elles sont nerveuses et sont parfois obligées de s'arrêter. Lorsqu'une machine ne fonctionne plus, cela ne signifie pas qu'elle est cassée, elle est tout simplement épuisée. L'aspect tragique ou mélancolique des machines est très important pour moi: je ne veux pas qu'elles marchent éternellement». Ses installations fonctionnent selon des scénarios écrits très précisément pour évoquer une expérience, un souvenir, une histoire vécue, personnelle ou collective.

Les flux, comme symbole du mouvement et de l'énergie sont très présents dans l'oeuvre de Rebecca Horn. Ils sont le lien entre le réel et l'imaginaire. Ce sont les clés qui permettent d'accéder au rêve.

Comme cette très belle image, tirée de son film La Ferdinanda: Lorsque le violoncelliste se met à jouer, l'eau bleue s'agite dans le bassin: art et musique s'animent réciproquement. Ils sont les flux de la sensibilité et les changements qu'ils provoquent sont semblables. «Cette variation d'énergie entre divers états est en rapport avec notre propre niveau d'énergie, avec la circulation de l'énergie dans notre corps, qui change entre la nuit et le jour...».

Inspiré de: Germano Celant La divine Comédie de Rebecca Horn/Entretien de Stuart Morgan avec Rebecca Horn — catalogue restrospective R.H. Guggenheim Museum, New York, 1993 interv. de Régis Durand — art press 181.

Biographie

1944 Née à Michelstadt-Hanbourg en Allemagne 1963 Etudes à l'Académie des Beaux-Arts de Hambourg 1971 Bourse du DAAD /Deutscher Akademischer Austauschdeinst) pour la St. Martin's School of Art, Londres 1974 Enseigne au California Art Institute, Valencia, et à l'Université de San Diego 1975 Prix de la critique allemande (Deutscher Kritikerpreis) pour le film Berlin-Uebungen (Exercices berlinois) 1977 Prix Glockengasse, Cologne 1979 Prix Böttcherstrasse, Brême 1986 Prix de la Documenta (Arnold Bode), Kassel 1988 Carnegie Prize lors de la Carnegie Internationl, Pittsburgh, pour The Hydra Forest, Performing Oscar Wilde (La Forêt-Hydre, Oscar Wilde performe) 1989 Commence à enseigner à l'Ecole des Beaux-Arts de Berlin 1992 Prix de la ville de Goslar (Kaiserring) et prix de la ville de Karlsruhe (Medienkunstpreis)

Rebecca Horn voyage

A propos de... (extraits)

«Les performances et les objets, les boîtes et les films, les mécanismes fantastiques et zoomorphes, les objets ou les fétiches personnels, tous laissent entrevoir des outils méthodologiques et linguistiques que Rebecca Horn s'approprie consciemment en se référant à l'avant-garde historique et contemporaine. L'homogénéité du passage des films aux boîtes rend hommage au surréalisme de Luis Bunuel et de Joseph Cornell, qui ont certainement éveillé en l'artiste le plaisir des liens magiques et sensuels des boîtes et coffrets secrets. (...). Rebecca Horn se distingue néanmoins de ces objets surréalistes par son besoin d'exprimer ses désirs les plus intimes, ses traumatismes, ses goûts personnels, ses folies et ses cauchemars. Elle n'accepte aucune frontière, ne dresse aucun obstacle qui puisse empêcher l'effet produit par ces objets. Elle les amène plutôt, sans étonnement ni chagrin, à la lumière du jour. Elle évoque ses pleurs d'enfance, ses traumatismes d'adolescente, les souffrances de sa scolarité, ses errements amoureux. Elle accepte son existence de «double», entre enfer et paradis, vie et mort, amour et veuvage. (...) Redoutant l'herméneutique ou l'utopisme, rejetant toute glorification du passé ou de l'avenir, Rebecca Horn cherche un lien direct avec elle-même, avec la réalité de son présent, avec son propre hic et nunc. Puisqu'elle se voit comme une complice et compagne de sa propre vie, elle ne croit à aucun utopisme abstrait qui exigerait de l'art qu'il comble le vide du monde. Pour Rebecca Horn, le monde est déjà plein — il suffit de le reconnaître et de le rendre visible.»

«Pour l'artiste, le souvenir est un champ de fouille qui lui permet de dégager un passé réel ou de rassembler des éléments qui, par une métamorphose symbolique, peuvent contribuer à un discours imaginaire. L'artiste descend dans le souvenir comme dans une mine. Parfois, cette descente ressemble au long couloir d'une académie silencieuse bordé de bustes et de monuments à la mémoire des morts. Mais le souvenir peut aussi fonctionner comme un éclair, une hallucination, comme une éruption qui traverse le mur de l'oubli et donne accès à un monde tragique.

Rebecca Horn a poursuivi une vision éphémère et, ce faisant, elle s'est concentrée sur le moment unique d'une manifestation poétique ou dramatique. Elle a éveillé le passé et ses mythes pour se retrouver elle-même et atteindre le salut. Au cours d'un voyage marqué par des objets et des lieux, des figures et des symboles, elle a mis à jour les composantes de la vie, et de cette façon, les a transformées en faits étonnants et significatifs.

Bien que les travaux de Rebecca Horn construisent une histoire personnelle, ils ressemblent aussi un peu au destin, à une aventure collective qui, parce qu'elle touche beaucoup de monde, doit finalement devenir une histoire universelle.» Germano Celant — La Divine Comédie de Rebecca Horn

Source: catalogue retrospective R.H. Guggenheim Museum, New York, 1993

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