Cela paraît aller de soi : ils vont nous ressembler de plus en plus. Et cest précisément pour cela que lon voudrait les maintenir dans cet état transitoire, puisque nous avons besoin, ici en Occident davoir un Autre en face de nous, qui nous sert danti-exemple, et qui nous attire par son étrangeté et son exotisme. Alors que dix pays sont en voie de « normalisation », il en reste encore au-delà des murs de la forteresse Europe, et nous pensons quil vaut la peine dinstaurer une relation avec eux qui ne soit marquée ni par lattirance du lointain ni par le pathos de la compassion.
Il faut dire que les pays de lEst ne sont pas seuls à porter lhéritage communiste ; il fait partie de lhistoire politique et culturelle de lEurope entière. Ces pays se trouvent dans une situation où ils ont à se défaire de tutelles parfois séculaires et que cette tâche est aussi une tâche culturelle : redonner sens à une culture nationale sans senfermer dans le nationalisme.
LArménie est lun de ces pays qui émerge du désordre postsoviétique. Mais elle est plus que cela : elle porte la mémoire dune culture deux fois millénaire, les stigmates de traumatismes et de bouleversements politiques extrêmes. Pour une fois, il sera question de la création contemporaine de ce pays que lon admire avant tout pour son patrimoine.
La table ronde du 31 janvier poursuit donc plusieurs objectifs : faire le point sur la situation de la création contemporaine dans le monde dit « postcommuniste », mettre en évidence les singularités de la situation arménienne et poser la question de lunité et de la diversité culturelle de lEurope à partir de sa relation à ses marges.
Bojana Pejic évoquera la manière dont les artistes actuels détournent lart monumental communiste dans des stratégies de réappropriation critique de lhéritage du 20e siècle. Hedwig Saxenhuber et Georg Schöllhammer parleront de la manière dont la scène internationale de lart se mondialise depuis les années 60. Lintervention de Marina Grzinic portera sur la reformulation de lidentité postcommuniste dans le cadre plus large de la perspective de lunité de lEurope. Hrach Bayadian et Nazareth Karoyan expliciteront les spécificités de la situation arménienne en lien avec son ancrage progressif en Europe. Enfin, la présence de Catherine David permettra délargir la problématique au rapport de lEurope à une autre de ses marges, celle du Proche-Orient arabe.
Lenjeu fondamental de ces discussions est de savoir comment allier lunité et la diversité culturelle de notre continent.