Charles Sandison

2 février - 2 avril 2006

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Installation

Vernissage le mercredi 1er février dès 18 heures
mardi - dimanche, 12 h à 18 h

Charles Sandison se passionne pour toutes sortes de théories, biologiques, physiques, médicales, politiques, linguistiques, etc. Son attention se porte en particulier sur les systèmes de communication qu'elles instaurent et les pouvoirs qu'elles mettent en place. S'emparant de ces théories, il écrit un programme informatique qui simule leur application et propose une réflexion pointue sur la territorialisation des connaissances et du pouvoir.

Charles Sandison, Heart of Darkness, 2005

Les oeuvres de Charles Sandison se présentent ainsi :
Générés par un programme informatique, des mots ou des signes sont projetés dans un lieu obscurci. Ils se déplacent, individuellement ou en groupe, se chassent, s'organisent, se livrent bataille, se phagocytent, se dynamisent, se repoussent, se modifient, s'agglutinent, retraçant sans cesse les frontières d'un territoire où les rapports sont toujours renouvelés. Les oeuvres sont installées in situ et s'adaptent à l'architecture du lieu tout en sculptant l'espace, les traces lumineuses épousant les surfaces qu'elles rencontrent.

Le spectateur est invité à se plonger dans l'obscurité et à déambuler parmi les mots et les signes, servant à l'occasion de surface de projection. A l'envi, il recompose des phrases en comblant les espaces par des verbes, imagine des relations improbables, se laisse entraîner par le séduisant ballet de faisceaux lumineux ou encore captiver par les mouvements stratégiques de ces signes. Immergé, mais non absorbé, il effectue ainsi différentes opérations de langage, du métaphorique au concret, et expérimente tour à tour ces mots comme objets, traces lumineuses, ou encore comme signifiant ; il observe alors l'avancée, donc l'influence ou la prise de pouvoir de certains au détriment d'autres ou encore les interprète selon ses codes personnels.
Les mots (good, evil, love, hate, male, female, etc), en dépit d'une simplicité qui semble polariser et caricaturer les rapports, construisent des réseaux infinis de sens que l'esprit critique, mais dont l'imagination s'empare pour les rendre visibles dans un monde intérieur.

Rage, Love and Despair (2004) peut servir à bien des égards d'illustration de ces propos. Dans cette pièce, Sandison se penche sur la théorie médiévale des humeurs selon laquelle le corps humain serait réglé par quatre « humeurs » (colérique, sanguine, flegmatique et mélancolique), chacune relative à un état émotionnel. Un déséquilibre entre ces humeurs entraînerait à son tour un déséquilibre de la condition physique. Par ailleurs, ces humeurs étaient associées à d'autres propriétés, tel le chaud ou le froid, ou encore aux saisons ou aux différents âges de la vie, le dessein étant d'esquisser par ces associations des lois universelles qui gouverneraient le monde et ses mystères. D'autres propositions venant rejoindre les rangs des approches réductionnistes ont été formulées par la suite, toujours dans le but de comprendre le fonctionnement émotionnel humain en le résumant à quelques traits basiques.

Dans Rage, Love and Despair, reprenant ces théories sur les émotions, Sandison crée au moyen d'un programme informatique un esprit artificiel dans lequel il introduit des émotions et des humeurs, chacune représentée par un mot. Chaque mot suit un schéma comportemental préprogrammé selon sa définition : par exemple, les mots ayant trait à l'agressivité sont rouges et attaquent les autres. Chaque mot se trouve ainsi affecté par les autres. Les constellations dessinées changent de couleur selon l'humeur dominante (rouge, si l'agressivité prévaut), et de même le rythme des déplacements s'accélère en fonction de l'état émotionnel.

Charles Sandison, Good and Evil, 2002

Un principe comparable régit Good and Evil (2002). Ces deux mots, l'un blanc, l'autre rouge, mènent un combat sans répit. Selon leur succès, la projection prend la couleur du vainqueur. Comme dans Rage, Love and Despair, on est proche d'un organisme vivant luttant et se réajustant sans cesse, alors que chaque mot cherche à gagner du terrain, programmé pour se comporter comme une cellule cancéreuse ou un virus. Le bien et le mal se livrent bataille, simplement, réduits à des forces antagonistes qui se teintent l'une l'autre.

Heart of Darkness (2005) jette une lumière complexe sur le langage, faisant surgir les mots un à un du néant, questionnant la source du verbe. Heart of Darkness (Au coeur des ténèbres) reprend in extenso le texte du roman éponyme de l'écrivain anglais Joseph Conrad qui, au travers du destin de deux hommes, s'approche du coeur des ténèbres et thématise le rapport au Mal au-delà de la morale.

La projection de Heart of Darkness est constituée de petits signes + et – de lumière blanche qui circulent de manière chaotique sur un fond noir, pour s'agglomérer lentement et constituer des mots. Le programme informatique, un algorithme qui organise les mouvements des + et des –, propose une lecture de l'oeuvre complète de Heart of Darkness sur deux ans et demi ou même plus pour que les derniers mots arrivent à la lumière. L'aspect texturé et la beauté du noir sont rehaussés lorsque de sa profondeur, la lumière se fraye un passage et semble prononcer des mots.

The Blind Watchmaker (2005) nous éloigne des mots pour nous faire éprouver une présence fantômatique. Son titre est emprunté au programme informatique du même nom développé par le biologiste Richard Dawkins en 1986. Ce programme, qui simule les mécanismes complexes des principes de sélection et d'adaptation des formes biologiques, illustre la théorie de l'évolution de Darwin. La police l'utilise pour reconstruire le visage de personnes portées disparues en traitant des photographies de ces personnes que le programme analyse et dont il calcule l'évolution probable pour les imaginer à un âge plus avancé, afin de ne pas perdre leur trace.

Charles Sandison, Rage, Love and Despair, 2004

Le programme informatique sur lequel fonctionne la projection de The Blind Watchmaker inverse le processus de vieillissement pour retrouver les traits d'un visage de nouveau-né. L'effet est saisissant. Le visage, comme une présence fantômatique, semble sortir des limbes et flotter, spectral, comme une lune. Le visage se modifie sans cesse, car le programme continue indéfiniment à construire et déconstruire les traces des visages de ces gens disparus en puisant dans des archives photographiques. Il reste un halo sur la rétine, qui hante la mémoire et l'espace.

Ces constructions visuelles et textuelles ne manquent pas d'évoquer la peinture – de larges bancs de signes, comme des poissons, glissent sur les surfaces et tracent des mouvements de couleurs (Good and Evil, 2003). Elles rappellent également la poésie concrète et bien sûr le coup de dé de Stéphane Mallarmé. Les dernières oeuvres entament une réflexion sur l'origine des mots et leur pouvoir d'évocation, le phénomène de réminiscence est investigué. Très conceptuelles dans leur élaboration, ces oeuvres, qui déploient une forte séduction, convient le spectateur à une expérimentation immédiate sans qu'aucun prérequis ne soit nécessaire tant leur présence se fait sentir au-delà des mots.

La technologie et la précision de la programmation servent in fine un projet poétique :
« ... parfois, j'essaie de visualiser le voyage d'un mot quand il quitte les lèvres d'une personne et se dirige vers son destinataire, ou j'imagine, lorsque je suis dans une bibliothèque, que tous les livres murmurent. Je vois alors une nuée d'oiseaux qui semblent se déplacer de manière chaotique et qui pourtant poursuivent leur voyage.
L'espace physique et les vides entre les mots tiennent lieu de pronoms et de verbes. J'utilise cette articulation entre la signification, les mots et entre les espaces comme un moyen d'échapper au pouvoir autoritaire du langage... » Charles Sandison

Isabelle Aeby Papaloizos

 

Charles Sandison est né en Ecosse en 1970. Il vit et travaille en Finlande.

 

Exposition à venir:

2007
Museum D'Orsay, Paris, France
Galerie Frank, Paris, France

2006
Museum of Contemporary Art Cleveland, USA
Bonn City Art Museum, Allemagne
Museum of Contemporary Art Kiasma, Helsinki, Finlande
Koldo, San Sebastian Museum of Contemporary Art. Espagne
Centre pour l'image contemporaine, Genève, Suisse
Galerie Max Estrella, Madrid, Espagne

 

Expositions individuelles

2005
Galerie Arndt & Partner, Zurich, Suisse
2YK, Berlin, Allemagne
Galerie Baronian Francey, Brussels, Belgique
Galerie Yvon Lambert New York, USA
Galerie Jean Bernier, Athens, Grèce
Cornerhouse Centre for Visual Art, Manchester, Grande-Bretagne
Éigse Carlow , Irelande

2004
Galerie Anhava (project space), Helsinki, Finlande
Galerie Ulrich Fiedler, Cologne. Allemagne
RoomX, Kiasma, Helsinki, Finlande
Wäinö Aaltonen Museum, Turku, Finlande
Lisson Gallery, (Lisson New Space), Londres, Grande-Bretagne

2003
Art Basel, Miami Beach, USA projet avec la Galerie Frank
Galerie Frank, Paris, France
Centre d'art Contemporain Georges Pompidou, Cajarc, France
Lieu d'art Contemporain, Sigean, France
Marseille art dealer art fair (projet avec la Galerie Frank), France
Sketch, London (show solo), Grande-Bretagne

2002
Gallery Baronian-Francey, Bruxelle, Belgique
Artcurial, Hôtel Marcel Dassault, Champs-Elysées, Paris, France
Foire Internationale d'Art Contemporain 2002, Paris, France
Galleria Frank, Paris, France
La Criée centre d'art contemporain, France
Galleria Kari Kenetti, Helsinki, Finlande

 

Expositions collectives (sélection)

2005
'Valohoitoa', Wäinö Aaltonen Museum. Turku, Finlande
l'art de produire l'art, Le Fresnoy National Studio for Art, Lille, France
Centro Atlántico de Arte Moderno - CAAM
'Documentary Creations', Kunstmuseum Luzern, Suisse
Arco, Madrid, Espagne
Art Basel, (with Lisson Gallery, Arndt & Partner), Suisse
Kunsthalle Lophem, Loppem-Zedelgem, Belgique
Corpus Bruges, site specific project, Belgique

2004
'Loop04', Barcelona, Espagne
'Art Basel Miami', (with Arndt & Partner, Lisson Gallery) USA
'De leur temps, collections privées françaises', Musée des Beaux-Arts de Tourcoing. France
Galerie Ardnt & Partner, Berlin, Allemagne
'Algorithmic Revolution', ZKM Centre for Art and media, Karlsruhe, Allemagne
Foire Internationale d'Art Contemporain 2004, Paris, France
Art Cologne, (avec la Galerie Ulrich Fiedler), Allemagne
Frieze Art Fair (avec la Galerie Ardnt & Partner) Londres, Grande-Bretagne
Villette Numérique, Paris, France
Museum Der Moderne Salzburg, Salzburg, Autriche
Panorama 5, Le Fresnoy, Lille, France
Mäntän kuvataideviikot, Mänttä, Finlande
Galerie Thaddaeus Ropac, Salzbourg, Autriche
Art Basel, (avec la Galerie Ardnt & Partner) Bâle, Suisse
México Arte Contemporáneo, (avec la Galerie Ardnt &Partner) Mexico, Mexique
ARCO en el Forum Barcelona 2004, Espagne
Moderna Museet, Stockholm, Suède
The Armory Show, (avec la Gallerie Ardnt & Partner) New York, USA

2003
Collection Yves Lambert, Avignon, France
Artissima, 6-9, Turin, Italie
Art Forum Berlin , Allemagne
Foire Internationale d'Art Contemporain 2003, Paris